Déjudiciarisation

par | Fév 3, 2021 | Editos | 0 commentaires

Depuis le 1er Janvier 2021, une nouvelle réforme touche le divorceLe législateur tâtonne depuis l’année 2000. Sous la pression sociétale, il avance vers l’émancipation citoyenne. Nul doute que le lobby associatif dont nous sommes les plus actifs,  a permis d’aller vers un plus grand respect de la vie privée. Quoi de plus « privé » que la conjugalité. Qui peut prétendre connaître parfaitement « l’intime » d’un couple C’est bien sûr le lieu des plus grands secrets, y compris souvent entre les époux eux-mêmes. Le lieu, au sein duquel l’intérêt général devrait être défini, se déplace de l’Etat vers la société civile. C’est une conception moderne de la citoyenneté qui s’exprime au travers des notions de liberté et de dignité face à une infantilisation techno juridique absurde et désuète. 

Après avoir été un sacrement dicté par l’Église, et une liberté révolutionnaire, le mariage a été phagocyté  par des intégrismes politico religieux ou anti patriarcat féministes. Le monde judiciaire s’est approprié cet universalisme pour satisfaire un trouble paranoïde. Il a figé petit à petit l’Existence dans un univers conceptuel pour devenir abstrait, en s’écartant de la réalité de la vie en tant qu’expérience concrète vécue par une personne en particulier. C’est probablement comparable à la gestion de la crise sanitaire que nous vivons. Le monde politique s’est précipité sur cet énorme buzz. Le monde scientifique joue des coudes pour asseoir lui aussi un pouvoir très lucratif au travers des labo. Pourtant le Covid-19 fait beaucoup moins de morts que le cancer. Cette maladie ne connaît toujours pas de thérapie radicale et elle est prévenue surtout par pédagogie (lutte contre le tabac et l’alcool), comme pour le VIH dont on parlait autant que le Coronavirus dans les années 80-90…  On soigne mieux, mais on n’empêche pas la létalité.

Cette manière de cannibaliser l’événementiel ou le fait de société est propre à une certaine autolâtrie politico judiciaire. La caste des juges et celle des avocats forment un communautarisme qu’ils doivent combattre sur d’autres thèmes.

 

Le résultat de la coercition judiciaire en matière de divorce est palpable :

Nb de mariages Nb de Pacs Nb de divorces
1970 395 000 // 55 000
2000 300 000 25 000 116 000
2018 220 000 210 000 60 000

Sachant que la population totale a augmenté de 18 millions d’habitants entre 1970 et 2018, on peut facilement en déduire que le nombre de mariages s’est effondré, à peine compensé par les pacsés, et probablement les unions libres non enregistrées. Le nombre de divorces prononcés est également à la baisse, compte tenu de l’augmentation de la population. Les modifications sont profondes. Les statistiques sont éloquentes et les sociologues officiels n’osent donner de raisons réalistes et évidentes.

Nul doute que la loi contraignante et intrusive a détourné les jeunes de la perspective d’un carcan juridico judiciaire entourant une séparation fort probabilisée. Ces jeunes (20-30 ans) ont vu leurs parents ou grands-parents se déchirer dans des procédures longues, coûteuses et calamiteuses. 

Le divorce d’état évoque ainsi le mariage arrangé ou forcé.

La loi et la justice ont détruit « l’organisation sociale » de la famille, l’instrument dont elles étaient responsables aux 19e et 20e siècles. Aujourd’hui, nous en sommes à nous poser la question :

« Qu’elle est l’utilité sociale du couple ? »

Jean Hauser, membre de la commission de réforme du droit de la famille, a écrit : « A quoi sert la définition juridique du couple ? »  « Le couple ne saurait échapper à la rigueur juridique tant il est vrai qu’on ne peut donner de droits à un destinataire non défini…Le droit ne peut se passer de définition en matière de couple, comme ailleurs »

« L’intérêt d’un couple qui ne serait opposable à personne (créanciers, bailleurs, administrations,) est nul en droit » « Le couple n’est pas naturellement destinataire de droits particuliers…dans une société qui ne connaît que l’unité comme citoyen »

« …reste à définir quelle est, à notre époque, l’utilité sociale exigée pour que le droit prenne en compte le couple considéré… la version haute a prévalu jusqu’à la dernière guerre : un couple légalement défini, stable et procréateur, la version basse : un couple aux structures souples, à la séparation simplifiée et à la procréation éventuelle »

« La comparaison rapide du statut du mariage et du statut du concubinage fait apparaître une divergence atténuée des effets personnels et une divergence assez nettement maintenue des effets patrimoniaux »

A trop symboliser et vouloir administrer une unité sociale intime, « privée » au sens juridique, les groupes de pression politico juridiques ont forcé le couple à s’émanciper en se détachant de sa légitimité sociale (concubinage, union libre). Au cœur de la société, il apparaît que nombre de couples se séparent sans « divorcer » ; les « jeunes » ne croient pas utile de formaliser une liaison qui est de moins en moins économique, d’autant que 80% des femmes travaillent et tendent à gagner autant que leurs compagnons…Quant aux enfants, la séparation des parents restant un traumatisme, la famille recomposée ne peut venir au secours d’une solution mariage pour leur identité généalogique.

Pour conclure, nous admettrons que la procédure de divorce s’est beaucoup simplifiée. Le mariage civil étant en concurrence avec le Pacs et le concubinage, l’Etat doit unifier les avantages fiscaux et successoraux qui donnent encore l’avantage au mariage. Le guidage administratif anti social doit disparaître ; et, pourquoi pas, ne retenir qu’un bon compromis entre Mariage civil et Pacs.

Pour éviter le pugilat judiciaire et familial du aux lois insuffisamment précises et explicites, il faut que la « clause de rupture » figure dans un mariage « réellement » contractuel. Deux personnes qui s’engagent l’une envers l’autre (fidélité, secours…) doivent être en mesure de prévoir les conditions d’une rupture (qui est consubstantielle à l’union).   

Reste un point très important qui touche environ 50 000 retraités (95% hommes). Ces hommes sont les victimes d’une « guerre » qui dure depuis la réforme du divorce de…1975. Ces travailleurs assidus des années 70, 80, 90 ont eu le malheur de subir un divorce en pleine activité. Ils se sont retrouvés piégés dans une confrontation politico judiciaire corporatiste.

Le contexte de ces 3 décennies est déplorable. La loi décide, il y a 45 ans, de supprimer « la pension alimentaire » pour la remplacer par une « prestation compensatoire » indemnitaire. Déjà le législateur indique qu’il faut privilégier le paiement « one shot » d’un capital, sur une rente. Ce « capital » pouvant évoquer la prime de licenciement payée par l’employeur, quand la rente ressemble aux indemnités de chômage payées par… la solidarité nationale….l’Etat.

D’un côté, une sphère judiciaire féminisée (Halimi,Badinter,Veil) qui entrevoit un patriarcat dominant sous forme d’un système social d’oppression des femmes par les hommes. Cela se traduit clairement dans la « harangue de Baudot ». De l’autre côté, des parlementaires, majoritairement de sexe masculin, soucieux de leur électorat de plus en plus féminin… Sans compter une droite catho majoritaire qui soutient ‘l’indissolubilité du mariage » papale. 

Résultat : malgré la loi,  65% des prestations compensatoires sont « appréciées » sans règle de calcul et sous forme de rente suivant la vie de l’ex épouse.

Aujourd’hui, la capitalisation de cette rente, souvent payée depuis  2 ou 3 décennies, représente 5 à 6 fois le montant payé en capital (infostatjustice).

« Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination »

Déclaration universelle des droits de l'Homme

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale…à la défense de l’ordre…à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui »

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Ces traités internationaux font partie d’un classement hiérarchisé de l’ensemble des normes qui composent le système juridique d’un état de droit pour en garantir la cohérence et la rigueur. Il est fondé sur le principe qu’une norme doit respecter celle du niveau supérieur. La suprématie de la Constitution peut entrer en concurrence avec des règles internationales. La CEDH donne souvent la primauté aux engagements internationaux.

Il nous apparaît que les textes de la révision des rentes viagères sont en contradiction avec cette « hiérarchie des normes »… 

Le législateur doit intervenir.

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