Les textes sur le divorce continuent d’évoluer :
Après 20 ans d’ajustements « bricolés » (2000, 2004, 2015), le Législateur poursuit son travail de déjudiciarisation en accordant une plus grande liberté aux époux, confirmant l’émancipation sociétale actuelle. Au 1er Janvier 2021 (voir ci-joint) la procédure est encore simplifiée, accélérée et surtout beaucoup plus adaptée aux mœurs d’aujourd’hui (unions libres, Pacs, séparations informelles, diminution des mariages civils…).
Reste que les jugements de révision des prestations compensatoires sous forme de rentes continuent depuis 2004 de contrarier l’esprit de la loi et les jurisprudences. Les textes sont trop interprétatifs. Timoré ou laxiste, le Législateur délègue la coercition pénitentielle à l’autorité d’application du Droit. Ici aussi le déclin du Parlement laisse la place aux administrations totalitaires, marxistes et liberticides.
Les évaluations de montants des rentes sont très aléatoires et surtout « disproportionnés » par rapport au principe prioritaire du paiement en capital (déjà dans la loi de 1975).
L’article 271 du code civil dit : « le juge tient compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible« .
Le juge doit prendre en compte un certain nombre de critères, notamment : « leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier… »
On s’interrogera ici sur la « prévisibilité » du montant de la retraite.
J’ai, moi-même, divorcé à 48 ans. J’ai fait valoir mes droits à la retraite 13 ans après. Dans ce laps de temps, mes revenus ont baissé fortement et mon statut est passé de salarié à entrepreneur indépendant. La fiscalité sur les revenus, notamment les retraites, a beaucoup évolué.
25 ans après mon divorce, je demande, selon la loi, la suppression de la rente. Comment peut-on imaginer intelligemment pouvoir prévoir un quart de siècle d’événements économiques, comportementaux, sociaux, fiscaux et même politico-législatifs ??….
Résultat : ma prestastion compensatoire a doublé au moment de ma prise de retraite (d’abord forfaitaire puis relative au moment de ma retraite). Voir l’article 276-3 : « La révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge ».
Autorité de la chose jugée.
Je lutte donc depuis 20 ans pour dénoncer ces incohérences et ces présupposés juridico-judiciaires. L’explication vient sûrement d’un antagonisme législatif entre « l’autorité de la chose jugée » et « la révision ». La démonstration de cela est à l’évidence dans mes 5 recours en Cour d’appel, pour le même objet. Ni le juge, ni l’avocat adverse, n’ont osé stopper mes demandes successives de recours.
« L’autorité de la chose jugée est définie comme une force exceptionnelle conférée par la loi aux décisions juridictionnelles qui une fois prononcées bénéficient du principe de l’immutabilité interdisant de remettre en cause ce qui a été définitivement jugé »
La révision au sens juridique, selon Serge Braudo, conseiller honoraire à La Cour d’appel de Versailles: « Il s’agit d’un recours exceptionnel destiné à modifier un jugement en raison notamment d’une erreur matérielle (pourquoi pas une erreur d’évaluation ou de prévisibilité).
« Le mot est aussi employé pour désigner l’effet que produit une disposition d’un contrat à exécution successive (pourquoi pas une rente viagère), lorsque, soit en vertu de la loi, soit en application d’une clause du contrat, le prix des prestations (…compensatoires viagères) ne correspond plus aux circonstances économiques qui ne pouvaient être prévues lors de la signature du contrat. C’est notamment le cas lorsque la modification de la valeur des prestations en question est calculée en fonction d’une échelle mobile »
Au surplus de ces textes qui convergent vers une automatisation de la révision des rentes, il faut citer le BOMJ N° 2015-02 du 27 Février 2015 :
« Il s’agit d’unifier le régime de révision de ces rentes, qui suscite un important contentieux, et de permettre que les sommes allouées sous forme de rente viagère avant la réforme de 2000, n’apparaissent pas, compte tenu de la durée du versement, disproportionnées au regard de celles qui seraient fixées aujourd’hui par le juge sous forme désormais privilégiée d’un capital ». C’est clair et explicite !!
L’arrêt de la Cour de cassation N° 18-17377 du 29 Mai 2019 stipule :
« Il résulte de l’article 33 VI de la loi….dans sa rédaction issue de la loi N° 2015-177… qu’une prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère….peut-être révisée lorsque le maintien de son versement procure au créancier un avantage manifestement excessif, au regard notamment de la durée de versement de la rente et du montant déjà versé. Une Cour d’appel prive sa décision de base légale au regard du texte précité, outre l’article 1351, devenu 1355 du code civil, et l’article 271 et 276, lorsqu’elle déclare irrecevable une demande de révision d’une prestation compensatoire fixée en 1998, sans rechercher comme elle y était invitée, si le débirentier n’invoquait pas des circonstances de fait nouvelles, résultant notamment de la durée de versement de la rente et du montant déjà versé, depuis un précédent jugement ayant déjà statué sur une demande de révision de la rente pour le même motif«
Enfin parlons d’un autre aspect de la loi : la substitution totale ou partielle d’un capital à une rente fixée par le juge… Article 276-4 CC
Les modalités de substitution sont fixées par le décret N°2004-1157 du 29 Octobre 2004, soit un décret vieux de 16 ans ! Il résulte d’un taux de capitalisation de… 4% et d’une table de mortalité Insee de…1998. On ne peut pas plus obsolète et décalé !!!
Après cela, interrogeons-nous sur l’aspect « prévisible » qui prévaut au moment du calcul de la rente : prévoir la mort du créancier ???? Discrimination potentielle entre un décès à 80 ans et un décès à 60 ans… 20 ans d’écart de calcul. Discrimination supplémentaire avec le versement en capital.
Ajoutons l’esprit (surtout) de l’article 33 VI qui incite le juge à comparer le versement « privilégié » en capital, au montant versé (depuis des décennies) sous forme de rente. Percussion contradictoire entre le décret de 2004 et la volonté législative actuelle.