Article publié sur le site lopinion.fr le 4 juin 2015, par Irène Inchauspé. Illustration tirée de l’article.
Pourquoi la France est-elle régulièrement condamnée par la CEDH ?
D’abord pour une raison paradoxale! La France est un pays historiquement respectueux des droits de l’Homme. Les Français ont donc une forte aspiration à saisir une juridiction qui a pour mission de garantir leur liberté. Ensuite, parce que la logique des juges de la CEDH n’est pas forcément la même que celle des juges nationaux. Il existe un décalage culturel entre la tradition juridique à la française et l’approche plus anglo-saxonne de la Cour européenne. On considère chez nous que le rôle du juge n’est pas de dire le droit mais d’appliquer la loi votée par le Parlement, le cas échéant en l’interprétant. Mais il existe désormais un socle minimum de droits fondamentaux de l’individu que les lois nationales peuvent parfois bafouer. Sous l’impulsion de la CEDH, le juge devient l’arbitre des libertés individuelles. Cela ne veut pas dire que l’on retire au Parlement le droit de légiférer ou de faire des réformes. Mais bien qu’il y a une part de liberté fondamentale qui n’est susceptible d’être remise en cause par aucune loi. A mon sens, c’est une bonne chose. Les évolutions imposées par la Cour européenne nous garantissent une meilleure justice. Si la France n’est pas, de loin, le pays le plus condamné, c’est un pays important au Conseil de l’Europe et toutes les décisions qui la concernent prennent un relief particulier.
Quels exemples peut-on donner ce cette «meilleure justice» ?
C’est grâce à la CEDH que notre droit a reconnu aux enfants naturels ou adultérins les mêmes droits que les enfants légitimes. C’est aussi grâce à ses arrêts que les avocats ont pu obtenir d’être présents aux côtés de leurs clients dans les commissariats. Tout comme elle a imposé que soient précisés les textes relatifs aux écoutes téléphoniques. Enfin, très récemment, la France a été condamnée pour avoir refusé de transcrire à l’état civil les actes de naissance d’enfants nés par mères porteuses aux Etats-Unis. Cet arrêt, aujourd’hui encore très controversé, illustre bien la démarche de la Cour. Elle n’est pas partie de la situation abstraite des parents, mais de celle concrète des enfants, qu’elle pose comme premiers sujets de droit. C’est pour moi, qui ai défendu ses familles, une décision de bonne justice, les enfants ne sont pas responsables du choix de leurs parents et n’ont pas à en subir les conséquences. La Cour européenne n’a donc pas du tout statué sur l’interdiction de la GPA en France, qui n’aura pas à modifier sa législation.
Que pourrait décider la CEDH dans l’affaire Vincent Lambert ?
Il n’est pas du tout sûr que la France soit condamnée. L’article n°2 de la Convention européenne des droits de l’homme consacre le «droit à la vie», droit essentiel considéré comme le plus fondamental de tous, va être confronté au droit à l’autonomie de la personne tel qu’il est garanti par l’article 8 de la même convention. Quelle que soit la décision, elle va être regardée de près car le sujet de la fin de vie concerne tous les états européens. Pour examiner cette affaire, les juges européens vont se réunir en Grande Chambre, ce qui souligne encore l’importance de arrêt qui va être rendu.
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